- Article publié le 15 septembre 2022
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92|Rueil-Malmaison : Légionnelle, un jugement inattendu
« Pour la justice, la direction d’une piscine municipale peut s’abstenir de
prendre des mesures visant à protéger les usagers en cas de contamination
des douches de la piscine à la légionelle ».
Le 9 septembre dernier, contrairement au réquisitoire du Procureur de la République demandant une condamnation exemplaire pour le rôle de la commune dans cette affaire, le juge de la 15éme chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Nanterre a étonnement prononcé une relaxe générale.
Rappel des faits : La commune de Rueil-Malmaison avait laissé ouverte la piscine municipale entre le 6 et le 19 juin 2018 laissant les usagers et employés prendre des douches alors qu’elle avait connaissance d’une contamination à la bactérie légionelle du réseau de distribution d’eau de cet établissement, avec des taux 35 fois supérieurs au maximum réglementaire.
Aucune mesure de protection n’avait été prise afin d’empêcher l’exposition des employés et usagers à la légionelle, et aucune information ne leur a été transmise sur cette contamination avant le 20 juin 2018, date de la fermeture de la piscine imposée par l’ARS.
Sur cette période, seules des actions correctives ont été entreprises par la ville pour tenter d’éradiquer la bactérie « légionelle », sans réussite jusqu’aux travaux demandés en août par l’ARS sur le réseau d’eau chaude.
Les possibles conséquences de ce jugement sont extrêmement graves et dangereuses car cela offre la possibilité aux collectivités ou gestionnaires de piscines de laisser des établissements ouverts, quand bien même les taux de légionelles seraient par exemple 35 fois supérieurs au seuil réglementaire. Il leur suffirait d’entreprendre des actions correctives, même si elles ne sont pas efficaces, en les dispensant de toute obligation de mesure de protection aux usagers et d’information.
Ainsi, cela exposerait des usagers et travailleurs à la légionelle, bactérie particulièrement dangereuse et potentiellement mortelle. Selon la dernière publication de l’institut Pasteur datée de février 2022, la légionellose a touché plus de 1800 personnes en France en 2019 et provoqué 160 décès.
En effet, le tribunal a considéré que les actions correctives qui ont été entreprises par la ville pour tenter d’éradiquer la légionelle étaient suffisantes et répondaient aux exigences de l’arrêté du 1er février 2010 au motif que le responsable des installations n’est astreint qu’à une obligation de moyen et non de résultat !!!
Le jugement ne saurait être satisfaisant sur le plan juridique dans la mesure où l’obligation instaurée par le dernier alinéa de l’article 4 de l’arrêté du 1er février 2010, quelle que soit la nature de cette obligation (moyen ou résultat), devrait entrainer la mise en place de mesures correctives nécessaires au rétablissement de la qualité
de l’eau ET de mesures destinées à protéger les usagers.
Le jugement rendu par la 15ème chambre est donc particulièrement étonnant dans la mesure où, qu’il s’agisse d’une obligation de moyen ou non, la commune n’a à aucun moment de la procédure apporté la preuve qu’elle avait mis en place toutes les mesures nécessaires à la protection des usagers. Il est évident que la commune n’a pas mis en place les moyens dont elle dispose pour protéger les usagers (absence d’exposition à la bactérie, fermeture des douches, information des usagers à l’entrée de la piscine etc...).
Le Ministère public avait précisé au tribunal que la décision était très importante et attendue par les collectivités et gestionnaires de piscines puisque des dérives dangereuses pourraient exister par la suite.
Ainsi, compte tenu des enjeux soulevés dans cette affaire, nous appelons le Ministère public près le tribunal judiciaire de Nanterre à se saisir de la faculté de faire appel, conformément aux réquisitions qui avaient été les siennes.