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Lutte contre les idées d’extrême-droite

  • Article publié le 10 février 2022
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Commémoration du 60ème anniversaire du massacre au métro Charonne - Discours de Philippe Martinez le 8 février 2022

Le 8 février 1962, il y a 60 ans, en fin de journée, alors que la nuit est tombée, une série de cortèges s’ébranle.

Plusieurs dizaines de milliers de manifestant.e.s s’élancent ainsi à l’appel de la CGT, de l’UNEF, du SGEN et du SNI de la région parisienne.

Ces hommes et ces femmes étaient comme chacun d’entre nous, avaient une vie, un travail peut être des amours. Ils et elles étaient aussi épris de justice, de liberté et aimaient la paix.

Ce sont ces valeurs et ces idéaux qui les rassemblent dans la rue ce jour-là.

Ils, elles manifestent d’abord pour la paix en Algérie, pour que ce pays accède enfin après tant de souffrances à l’indépendance.

Ils, elles sont là aussi pour dénoncer les crimes de l’OAS et pour affirmer haut et fort que « le fascisme ne passera pas ».

Malgré la sereine détermination qui se dégage des cortèges, l’atmosphère est lourde, la peur est palpable. Les derniers mois de la guerre aiguisent les affrontements qui deviennent plus âpre.

Un fascisme, né sur le terreau du colonialisme en Algérie et qui s’est nourri d’une interminable guerre coloniale, étend ses rets sur le territoire national. Son ombre plane dans l’antichambre des pouvoirs, dans les ministères. Ce fascisme contamine aussi la police.

Il a un visage, celui des « ultras » de l’Algérie françaises regroupés au sein de l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS) qui entretiennent, depuis l’été 1961, un climat de peur et de terreur y compris en métropole.

Le drame se noue ce jour-là boulevard Voltaire aux abords du Métro Charonne. Alors que les cortèges sont sur le point de se disloquer, la police charge soudainement avec une extrême brutalité.

Pour échapper aux coups des policiers, les manifestant.e.s refluent dans le désordre le plus complet.

L’innommable se produit, à l’entrée des bouches de la station où des centaines de manifestant.e.s, croyant trouver refuge dans le métro, se retrouvent pris dans une nasse meurtrière.

La violence policière se déchaîne. Les manifestant.e.s sont sauvagement matraqué.e.s, jeté.e.s à terre, des policiers n’hésitent pas à lancer dans les escaliers des grenades lacrymogène et divers projectiles dont des grilles en fonte provenant des aérations ou des arbres environnants.

Lorsque la police se retire, on dénombre de très nombreux.ses blessé.e.s parfois très grièvement.

Huit corps inanimés gisent au sol. Leurs noms figurent sur une plaque à la digne sobriété présente dans ces lieux, il s’agit de :
 Suzanne Martorell, employée de presse ;
 Fanny Dewerpe, secrétaire dactylographe ;
 Anne-Claude Godeau, employée des chèques postaux ;
 Jean Pierre Bernard, employé dessinateur des télécommunications ;
 Édouard Lemarchand, employé de presse ;
 Hippolite Pina, ouvrier du bâtiment ;
 Raymond Wittgens, conducteur typographe
 et Daniel Fery, le plus jeune, apprenti à la Société d’expédition et de routage de presse.

Une neuvième victime, Maurice Pochard, employé de bureau, mourra de ses blessures le 20 avril suivant.

Les neuf victimes de Charonne étaient tous membres de la CGT qui ce jour-là fut cruellement blessée.

Passons rapidement sur l’ignominie des déclarations du ministre de l’Intérieur Roger Frey qui osa prétendre que « le 8 février les émeutiers, en bandes organisées, ont attaqué avec une extraordinaire violence le service d’ordre »

La sauvagerie de la répression qui s’exerça le 8 février fait immédiatement écho aux violences policières qui se sont produites dans la nuit du 17 au 18 octobre 1961 à l’encontre d’une manifestation pacifique d’Algériennes et d’algériens réclamant la fin d’un couvre-feu.

Cette nuit-là, une répression sanglante et ciblée se déchaîne. Onze mille personnes sont arrêtées, brutalisées et détenues dans des camps improvisés. Beaucoup d’entre elles disparaîtront et finiront « noyées par balle » dans la Seine.

Si l’opinion publique demeura dans l’ensemble insensible aux tragiques évènements de la nuit du 17 octobre 1961. L’effet des campagnes de la CGT contre le terrorisme de l’OAS et pour la paix en Algérie porte dorénavant ses fruits.

Les français.es sont révolté.e.s devant les crimes de l’OAS et condamnent les violences policières et le cynisme des gouvernements.

La vague d’indignation que souleva le drame de Charonne, l’immense mouvement de solidarité qui se manifesta les jours suivants à travers tout le pays révèlent la lassitude des français pour une guerre, devenue à leurs yeux, injuste et cruelle.

L’immense cortège qui accompagne le 13 février les cercueils de la Bourse du travail au cimetière du Père-Lachaise démontre avec éclat la force de l’aspiration à la fin des combats et la paix.

Par sa dimension d’évènement exceptionnel, le massacre commis par les forces de police à Charonne porte incontestablement une série de questions sur le fonctionnement de l’État démocratique en France, questions qui restent à ce jour sans réponse officielle. Et nous ne pourrons nous contenter d’un communiqué de 5 lignes de l’Elysée.

...............

Que ce soit dans les années 1930 ou durant les guerres coloniales ou tout simplement aujourd’hui, l’extrême droite s’est toujours nourrie des pathologies de la société et soyons-en convaincu le monde du travail n’est naturellement pas immunisé contre « la tentation du pire ».

Lors de la dernière élection présidentielle, près de 10,6 millions d’électeurs.trices ont voté pour la candidate d’un parti politique dont la matrice est ouvertement fasciste. Mais d’autres signes tout aussi inquiétants témoignent d’une profonde crise démocratique.

Ainsi, le durcissement autoritaire et le niveau de répression déployé par les pouvoirs publics pour briser toutes contestations populaires interrogent.

Alors que le malaise social et les risques climatiques, sont profonds, alimentant de nombreuses frustrations et colères, l’espace public médiatique est saturé de fausses polémiques autour de thèmes identitaires ou culturels qui appartiennent pour la plupart au répertoire d’idées de l’extrême droite.

La banalisation des idées d’extrême droite dans les débats publics invite à la plus grande vigilance. Désormais tout semble possible y compris les conditions de possibilité d’un fascisme d’ici et d’aujourd’hui.

Au nom des valeurs de solidarité et du refus de toute discrimination, la CGT ne baissera pas la garde. Elle combattra résolument le fascisme sous toutes ses formes ! Dans ce combat, la CGT n’est pas désarmée et peut s’appuyer sur sa riche expérience des combats antifascistes du passé.

En d’autre temps, le poète Paul Eluard a pu écrire à propos du groupe Manouchian de l’Affiche rouge « quand on ne tuera plus, ils seront bien vengés ».

Quand il n’y aura plus ici-bas aucun racisme, quand les travailleurs et travailleuses immigré.e.s, avec ou sans papiers, seront traité.e.s humainement, quand les fascistes et les semeurs.ses de haine seront terrassé.e.s et réduit.e.s au silence, ne pourrions-nous pas, affirmer à notre tour : « les neuf de Charonne sont, eux aussi, bien vengés ! » ?

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