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  • Article publié le 20 février 2025
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Urgence - Situation des services de prévention et de protection de l’enfance - Courrier de la FDSP aux ministres

Madame et Monsieur les Ministres,

La Fédération CGT des Services publics interpelle les gouvernements depuis de nombreuses années sur la mise à mal des agent·es et fonctionnaires territoriaux·ales qui exercent au sein des services de prévention et de protection de l’enfance.

Aujourd’hui, force est de constater, après les mobilisations qui se sont succédé ces dernières semaines et ces derniers jours, dans le département du Nord avec les personnels de l’ASE et dans les Bouches-du-Rhône avec la prévention spécialisée, que la situation continue de se dégrader fortement.

Pourtant, la gestion de cette crise dans le secteur de la protection de l’enfance est cruciale car il s’agit bien d’aborder l’avenir de milliers d’enfants, mais aussi des professionnel·les en charge de leur quotidien et de leur accompagnement.

Attaché·es au principe fondateur du statut des agent·es et fonctionnaires, nous tenons à rappeler l’indispensable besoin d’égalité de traitement des citoyen·nes sur l’ensemble du territoire mais aussi de conditions de travail au sein des services. Par voie de décentralisation, ce sont aujourd’hui les départements qui ont la charge de répondre aux besoins de solidarité des plus démuni·es. Ils portent ainsi la lourde responsabilité de leurs incapacités à offrir des délais de prise en charge adaptés et des conditions d’accueil et d’accompagnement des mineur·es en danger de façon qualitative.

Aucunes spéculation ni fausses économies ne peuvent continuer d’être mises en avant et ce au détriment des agent·es et du respect des principes de citoyenneté, de neutralité, de laïcité et d’émancipation.

Aussi, malgré les quelques avancées législatives disséminées et spécifiques aux secteurs, la CGT dénonce l’absence de volonté politique cohérente et de moyens financiers permettant aux professionnel·les de répondre aux besoins des jeunes et leur famille.

Cela fait plus de dix ans que la CGT interpelle les différent·es ministres en charge du dossier sans que celles et ceux-ci prennent la mesure de la situation.

L’absence d’une réelle politique nationale et la fragmentation des territoires entraînent des dysfonctionnements graves dont l’État, par son immobilisme, est responsable, et ce, malgré sa connaissance des nombreux rapports alarmants de ses instances (IGAS, CESE, Cour des Comptes). Il est donc urgent que des mesures soient prises et mises en œuvre, que le gouvernement assure l’orientation générale des politiques publiques en faveur de l’enfance.

Nous le rappelons, dans tous les métiers du lien, il faut du temps pour construire une relation éducative permettant un questionnement, une mise en confiance afin de construire le projet de la ou du jeune et de sa famille. Le temps est l’élément majeur des difficultés rencontrées par l’ensemble des acteurs·rices sur la prise en charge des mineur·es. Le manque de temps pour les personnels ne permet pas de créer la relation éducative nécessaire à l’enfant, à la ou au préadolescent·e, à l’adolescent·e, et aux parents pour « poser les valises », souvent trop lourdes à porter.

Avoir du temps, c’est avant tout en protection de l’enfance le seul moyen pour exercer l’accompagnement de façon qualitative. La relation humaine demande avant tout du temps et bien entendu des budgets qui permettent sa mise en œuvre.

Vouloir rentabiliser, économiser le temps ne fait qu’empirer les situations de ces jeunes et de ces familles.
Il remonte de tous les services de la protection de l’enfance que les professionnel·les ont trop de familles et de jeunes à suivre en même temps, en milieu ouvert, en internat, en enquête sociale, en suivi, et qu’elles et ils ont le sentiment de faire du mauvais travail.

Le constat est amer et connu de toutes et tous, notre organisation dénonce :

  • le manque de places en hébergement, la suppression de structures, de postes, au gré des orientations politiques du département ;
  • les placements des mineur·es à l’hôtel qui persistent sans suivi éducatif, psychologique ;
  • les mesures budgétaires où des services tels que la prévention spécialisée ou les services jeunes majeurs servent de variables d’ajustement au budget des départements ;
  • une iniquité de prise en charge sur le territoire national, encore plus prégnante lorsque l’on parle des prises en charge pour les mineur·es isolé·es étranger·es suivant le département d’accueil ;
  • le travail en suractivité, notamment en pouponnière (problème de syndrome de glissement).

Mais la crise de la protection de l’enfance, c’est aussi :

  • l’absence d’augmentation salariale ;
  • l’absence de versement pour tou·tes les acteurs·rices de la prévention et de la protection de l’enfance de l’indemnité Ségur ;
  • des dérives managériales, de l’autoritarisme pour imposer des délais intenables et pratiquer une politique du chiffre pour répondre à des injonctions supérieures ;
  • l’augmentation des discriminations syndicales, des agent·es dénonçant le manque de moyens, et la dégradation des conditions de travail de toutes et tous.

Les orientations budgétaires du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale seront, sur ce point, déterminantes. Nous ne pouvons accepter une baisse des subventions de fonctionnement pour les départements. Ils ont en première prérogative la gestion des solidarités. La solidarité dans notre pays est un principe fondateur de notre système républicain. L’État ne peut pas se dégager de sa responsabilité en matière de solidarité sans réellement permettre aux départements de tenir leurs missions.

Nous ne pouvons aborder le secteur de la protection de l’enfance sans aborder les secteurs du médico-social, de la psychiatrie et de la Protection judiciaire de la jeunesse qui sont intrinsèquement liés.
Les manques dans ces secteurs augmentent et intensifient les problèmes de fonctionnement dans la protection de l’enfance.

Les mineur·es qui commettent des actes délictueux sont avant tout des mineur·es à protéger : à protéger d’elles et d’eux-mêmes, à protéger de leurs contextes insécurisés, à protéger des dangers liés à leur vulnérabilité le cas échéant. Il est donc pour nous inacceptable d’entendre les propos des derniers jours sur le tout sécuritaire.

Il est inacceptable d’entendre qu’il faudrait durcir la réponse pénale et sanctionner pénalement les parents au motif de leur abandon éducatif, mais qu’en est-il de l’État qui ne protège pas, qui n’accueille pas, et qui n’accompagne pas dignement les jeunes en perdition ?

Nous le rappellerons donc, il faut du temps, des personnels qualifiés, une augmentation des effectifs dans les services, une rémunération permettant de vivre décemment.

Il est nécessaire de repenser de façon nationale le financement et les orientations des politiques publiques pour la protection de l’enfance.

Notre organisation est disponible pour toute négociation sur les revendications des personnels.

Dans cette attente, recevez, Madame et Monsieur les Ministres, nos sincères salutations,

Pour la fédération CGT des Services publics, Natacha POMMET, Secrétaire générale


Courrier adressé le 18 février 2025 à :

  • À Mme Catherine VAUTRIN, Ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles
  • À M. Laurent MARCANGELI, Ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification

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