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  • Article publié le 28 mai 2014
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Conseil Commun de la Fonction publique du 26 mai 2014 - Intervention de Baptiste TALBOT

Réunion d’échanges sur la nouvelle organisation territoriale de la République

Loi de réforme territoriale de 2010, loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles du 28 janvier 2014, projet de loi clarifiant l’organisation territoriale de la République, la CGT considère que ces textes forment un ensemble portant atteinte au principe constitutionnel de République décentralisée et à ses fondements : proximité, libre administration, absence de tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre, autonomie financière, péréquation, démocratie locale.

Pour la CGT, la majorité actuelle comme la précédente ne répondent pas à l’ambition d’une organisation territoriale sociale et démocratique.
L’austérité budgétaire et financière dans laquelle s’inscrit la réforme signe le désengagement sans précédent de l’Etat par une réduction des dotations aux collectivités locales de 11 milliards d’euros entre 2014 et 2017.

Il s’agit pour la CGT d’un « pacte d’irresponsabilité », au détriment de l’emploi, du service public, de l’égalité territoriale et sociale, de l’intérêt général.

Réduire les dotations des collectivités, c‘est réduire la capacité d’investissement public dont elles sont le premier moteur. Les collectivités portent 70% de l’investissement public, un investissement nécessaire à la réalisation des équipements et services indispensables à la satisfaction des besoins collectifs des populations : logement, transport, sport, culture, petite enfance, eau, voirie, numérique, déchets, etc.

Réduire la capacité d’investissement local, c’est aggraver le chômage. La note de conjoncture d’avril 2014 de la Banque postale rapporte que le gel des dotations aux collectivités engendrerait un recul de leurs investissements de 35% d’ici 2017.

Ce recul de l’investissement aura de lourdes conséquences sur le développement économique et l’emploi. Le secteur du bâtiment et des travaux publics qui représente aujourd’hui 8000 entreprises et 280 000 salariés est particulièrement concerné. La Fédération Nationale des Travaux Publics estime que la baisse des dépenses d’investissement des collectivités locales d’ici à 2017 pourrait provoquer la destruction de 37 000 à 58 000 emplois dans ce secteur.

Mais porter atteinte au principe de péréquation, expression de la solidarité nationale pour les territoires ne vous suffit pas. Afin de baisser la dépense publique, vous accélérez la réforme de l’organisation territoriale, concentrez, fusionnez, rationalisez les administrations publiques locales, divisez le nombre de régions par deux, supprimez les départements, redécoupez la carte intercommunale.

Selon le secrétaire d’État à la Réforme territoriale, cette nouvelle saignée permettrait d’économiser jusqu’à 25 milliards d’euros ! Or la réduction des dépenses n’est pas possible sans amputer massivement l’emploi et les moyens du service public, et donc sans porter atteinte aux conditions d’emploi des personnels et à la réponse aux besoins des usagers.

La CGT rejette cette politique restrictive à l’égard des finances et des services publics de l’Etat et des collectivités locales, qui conduit au renforcement des inégalités territoriales et porte atteinte aux valeurs républicaines d’égalité et de solidarité.

Au-delà du contexte financier, l’absence de démocratie dans la conduite des différentes réformes est insupportable.

Sous prétexte que les Français ne répondraient pas aux questions posées dans le cadre d’un référendum on évacue ce mode de consultation des citoyens pourtant prévu par la Constitution. Votre nouveau projet transformerait les régions en monstres administratifs et technocratiques, réduirait les communes et les départements à peau de chagrin en imposant des intercommunalités de plus en plus grosses, sans demander l’avis des populations ? Alors que ce nouveau découpage menace de déstabiliser l’organisation des services de proximité, d’éloigner les citoyens des centres de décisions, de creuser l’écart de développement entre territoires urbains et ruraux, de renforcer les inégalités, on ne recueillerait pas l’avis du peuple ? On s’étonnera après cela du sentiment d’abandon que peut ressentir le citoyen face à tant de mépris, sentiment qui le pousse à l’abstention ou au vote de rejet.

Pour la CGT, l’organisation territoriale de la République doit faire l’objet d’un effort d’information auprès des citoyens et d’un débat contradictoire préalable à la consultation des électeurs.

Sur le projet de loi, si toutefois celui qui nous a été soumis est bien celui qui est en discussion dans les cénacles gouvernementaux, plusieurs mesures nous interpellent.
 Après avoir été supprimée par la loi en 2010 pour les départements et les régions, puis rétablie par la loi MAPTAM, voilà la clause générale de compétences de nouveau supprimée par ce projet, au motif qu’elle serait source d’enchevêtrement des compétences, d’opacité des financements croisés, d’illisibilité.

La CGT plaide pour le maintien de la clause générale de compétences. Elle permet à une collectivité d’intervenir en dehors de ses compétences attribuées dès lors que l’intérêt local le justifie. Elle offre la souplesse nécessaire à l’adaptation des services publics et de l’action publique aux impératifs de l’intérêt général. Par ailleurs, cette clause confère aux collectivités une véritable dimension politique. Elles ne sont pas réduites au rôle de simple gestionnaire de services publics locaux dans le cadre de compétences strictement énumérées. Enfin, la clause de compétence générale donne tout son sens au principe de libre administration des collectivités territoriales, encadré par son inscription dans le cadre des lois et règlements de la République.

 Pour l’exercice de ses compétences, le conseil régional disposerait d’un pouvoir réglementaire dont la loi définirait l’étendue pour chaque compétence.
Pour la CGT cette disposition se heurte à deux principes constitutionnels majeurs :
. l’unité de la République qui se trouverait divisée en une douzaine d’embryons de petites républiques régionales
. l’égalité d’accès des citoyens au service public qui exclue toute forme de discrimination.

 Concernant la fusion des régions, pour les raisons déjà évoquées, la CGT exige le rétablissement de l’obligation de soumettre à référendum tout projet tendant à fusionner des régions ou rattacher un département à une région.

 S’agissant de la suppression des départements, même si cette mesure n’est pas inscrite dans le projet de loi de clarification de l’organisation territoriale, elle a fait l’objet d’une menace non dissimulée par le Premier ministre qui programme la disparition des conseils départementaux pour 2021 au motif d’économies. Cette obsession budgétaire est vécue par nos collègues comme une violente agression, un déni de l’utilité de leurs missions et de leur dignité d’agents du service public.

Qui assurera la gestion des collèges, des voiries départementales des aides sociales ? Que deviendront les personnels qui assurent au quotidien la mise en œuvre des politiques et services publics liés à ces compétences ?

La CGT ne peut accepter cette démarche précipitée. Une étude d’impact préalable permettant de mesurer l’incidence des mesures envisagées est indispensable.

 Votre projet de « maisons de service au public » intervient dans un contexte caractérisé par une volonté d’organiser une rétraction toujours plus grande des services publics, nationaux et territoriaux, de pleine compétence et de proximité.

Pour la CGT une telle orientation est inacceptable. C’est pourquoi nous demandons l’ouverture d’un véritable processus de discussion sur l’organisation et les modalités d’implantation des services publics de l’Etat et des collectivités sur l’ensemble du territoire, y compris en Outre-mer.

 Sur les dispositions relatives aux agents, si la CGT prend acte de quelques évolutions positives sur les droits des agents qui seraient transférés, elle attire l’attention sur les difficultés de mise en œuvre de ces mesures, faute de mise en place de dispositifs contraignants à l’égard des exécutifs locaux qui ne respecteraient pas la loi. Elle réaffirme la nécessité d’une obligation d’alignement par le haut des conditions d’emploi des agents transférés dans une collectivité.

En conclusion, comme vous le savez, la CGT Fonction publique a refusé de siéger aux différents conseils supérieurs réunis sur ce projet de loi.

Ce refus de siéger était notamment motivé par l’absence de tout processus sérieux de discussion avec les organisations syndicales.
La CGT réitère sa demande quant à l’ouverture d’un processus de discussion inscrit dans la durée, avant toute prise de décision avec les citoyens, les élus, les agents et les organisations syndicales. Ne doutez pas de la volonté de la CGT d’être force de proposition pour reconquérir un service public efficace, au plus près des usagers, et disposant des moyens nécessaires à ses missions.

Elle annexe à cette déclaration sa contribution sur la complémentarité Etat/Collectivités au service de l’intervention publique présentée lors du débat de la conférence sociale 2013, contribution restée hélas sans écho.

La CGT considère que les ressources existent pour opérer d’autres choix.
 Annuler les baisses d’impôts accordées depuis plus de 10 ans aux grandes entreprises et aux plus riches (100 milliards de plus chaque année dans les caisses de l’Etat).
 Réhabiliter pleinement la progressivité de l’impôt sur le revenu.
 Faire de la fiscalité des entreprises un moteur pour l’économie et le progrès social.
 Traquer la fraude fiscale y compris en luttant contre les paradis fiscaux.
 Interdire aux banques de spéculer avec l’argent des ménages.
 Créer un pôle financier public assurant notamment le financement de l’investissement des collectivités locales.

En un mot, il s’agit de s’attaquer à la finance dont nous avions compris qu’elle était l’adversaire du Président.

En tout état de cause, la rupture avec les politiques d’austérité est plus que jamais nécessaire. Ces politiques échouent partout en Europe. Elles plombent durablement notre économie et affaiblissent notre démocratie.

Le gouvernement porte une responsabilité écrasante dans la montée de l’extrême droite. Loin de la pathétique et suicidaire obstination manifestée hier soir par le Premier ministre, le gouvernement doit entendre la nette condamnation de sa politique par l’électorat. Il doit tirer les conséquences qui s’imposent en menant enfin une politique de progrès social. Pour sa part, la CGT continuera de lutter en ce sens avec détermination.


Télécharger cette déclaration au format PDF :

CCFP du 26 mai - Déclaration CGT

Voir aussi :

Conférence sociale 2013 - Contribution de la FDSP CGT et de l’UGFF CGT


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